Mon nouveau seumestre

Lundi de rentrée, je me fais beau, en toute modestie. Il neige pas mal mais il fait surtout froid dehors dans le monde des vivants. J'en profite pour m'exercer comme depuis mes six ans au air-smoking au bord de ma fenêtre café dans l'autre main, inutile de décrire cette pratique hautement intellectuelle. Me pavanant sur le parvis, je jette un coup d’œil aux affichages désormais désertés pour lorgner sur le classement des uns et des autres. D'abord, le major. Tu t'attends à quelque chose de spécial comme si son nom allait être imprimé en or serti d'émeraudes. Non. Juste un nom banal pour ne pas dire craignos mais un nom qui vaut effectivement de l'or.

Pendant tout le deuxième semestre, chaque personne de la promo n'aura que son nom sur le bout de ses lèvres ; dès qu'il dédaignera passer entre les misérables mortels que nous sommes, des yeux s'abaisseront, des langues se lieront et des culottes tomberont. Bon faut pas déconner pour le dernier point, on sait tous que le major n'a jamais de sex-appeal, c'est un fait ou bien essaie-t-on simplement de se rassurer en se trouvant une meilleure qualité que lui. M'enfin en P1, on est tous déguisés en sac à sapin, viens le chercher mon sex-appeal !

Bref, ce qui m’intéresse, ce sont le classement de mes lointains et proches amis mais surtout celui de mes lointains et proches ennemis. C'est sale : on ne peut s'empêcher d'étouffer un sourire de satisfaction à la vue d'un classement à quatre chiffres de la part d'un de ces derniers. "Chèèèè", me murmure ma voix intérieure, "Chèhèèèè", surenchère-t-elle. Vilaine. Il est vrai que c'est malsain de s'attarder sur les résultats des autres mais en même temps, c'est affiché. C'est presque comme si on vous donnait le mot de passe Facebook de votre copain/copine mais que vous refusiez de vous connecter dessus. La moitié d'entre vous le ferait et l'autre moitié ment comme de gros porcs. 

Arrivé dans l'amphi, je retrouve mes acolytes, on se salue, se félicite ou se console. "- Au pire tu redoubles !", entonne fièrement l'un de mes amis suivi d'une tape dans le dos à une autre qui a échoué, "- Ah bah oui j'y ai pas pensé ! Si j'avais su cette technique plus tôt, je l'aurais appliquée dès le début de l'année, triple con !". La blessure semble encore fraîche pour que j'y aille de ma partition, je préfère donc me taire et prendre place. Nouveau semestre, nouvelles matières parmi lesquelles l'anatomie. On fait rien de fou le premier cours. Je rentre déjeuner et inévitablement, comme les 1798 autres moutons de la promo, je fais une recherche Facebook du major en vain. Evidemment, lorsque vous me demanderez si j'ai cherché le major sur le net, je nierai en bloc "J'ai pas que ça à foutre !". J'ai absolument que ça à foutre.